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DROITS DE L'HOMME ET DHARMA par Robert Vachon

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DROITS DE L'HOMME ET DHARMA  par Robert Vachon Empty DROITS DE L'HOMME ET DHARMA par Robert Vachon

Message  floraison Lun 29 Mar - 22:48



Introduction

- Droits de l'Homme et pluralisme culturel -

Il y a deux façons fondamentales d'aborder la question des droits de l'Homme et du pluralisme culturel.

La première, fort courante, consiste à prendre le concept de droits comme un référent transculturel, universel ou universalisable, et de voir comment il est perçu, interprété et vécu de façons différentes selon les peuples et les aires culturelles, en ayant soin de faire ressortir ses variantes. Il s'agit alors d'une relativisation contextuelle (1). On cherche à comprendre les différentes perspectives que l'Asie, l'Afrique, l'Occident, etc, ont sur la même question. On pourrait appeler cette approche, celle du perspectivisme ou du droit comparé, et à la limite, du pluralisme juridique (2).

C'est ainsi par exemple qu'elle comparera la Charte africaine de Banjul sur les Droits de l'Homme et des Peuples (1981) avec la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et les Chartes des pays occidentaux, en ayant soin de signaler ce qu'elles ont en commun et de différent. On fera ressortir, par exemple que Banjul parle des droits des peuples et pas seulement des droits des individus et comporte tout un chapitre sur les devoirs; ce qui est nouveau. On fera de même par rapport à la Déclaration Islamique des Droits de l'Homme à Paris, en faisant ressortir que les droits en Islam sont basés d'abord sur la Sharia et non sur les décisions humaines v.q. d'un Etat-Nation, etc. On fera des études comparatives: au Québec, on parle des droits de la personne, au Canada des droits humains, en Europe des droits de l'homme; la hiérarchie et l'importance des droits, varient, dira-t-on, selon les pays et les aires culturelles:

En Afrique et en Chine:

1) les droits collectifs

2) les droits économiques et sociaux

3) les droits civils et politiques

En Europe de l'Est

1) les droits économiques et sociaux

2) les droits civils et politiques

3) les droits collectifs

En Amérique du Nord et Europe de l'Ouest:

1) les droits civils et politiques

2) les droits économiques et sociaux

3) les droits collectifs

Il faut noter que cette approche, aussi utile qu'elle soit, ne se pose généralement (3) pas la question, à savoir si certaines des autres cultures étudiées n'auraient pas une base autre que celle des droits et de la justice, sur laquelle elles fondent ultimement la dignité humaine et à partir de laquelle elles organisent l'ordre social. Elle coure donc le risque d'ignorer totalement l'existence de notions toutes autres de la 'bonne vie' et de l'ordre social - qui ne seraient pas basées sur les droits - mais qui pourraient être aussi valables et importantes que celle des droits et de la justice. Bien plus, elle peut facilement tomber dans le préjugé que les droits sont un concept et un impératif moral universel, c'est-à-dire a-culturel, et transcendant la pluralité des cultures; une sorte d'absolu auquel personne ne saurait déroger. De là à dire que tous les peuples devraient baser leur dignité et leur ordre social d'abord sur la notion de droits et de justice, il n'y a qu'un pas. Et il est souvent franchi malheureusement. On a beau se défendre en disant que chaque peuple et chaque culture vit ou doit vivre les droits de l'homme différemment, selon des variantes contextuelles, il reste qu'on peut glisser dans une curieuse forme de nouvel impérialisme culturel: celui de la justice et des droits; on peut réduire la dignité humaine à cette fenêtre que l'on a sur elle: la notion de droit et de justice. Comme on le verra plus loin (droits de l'Homme comme cheval de Troie), on peut même fouler aux pieds la dignité des autres et détruire leur ordre social au nom des droits et de la justice, comme on l'a fait historiquement au nom des valeurs les plus élevées (4) de la civilisation d'abord et du développement ensuite.

La seconde approche que je suivrai ici et que je nommerai relativisation radicale, pour la distinguer à la fois de la première et du relativisme culturel (5), ne nie pas nécessairement la première, mais la trouve inadéquate dans la situation nouvelle du pluralisme culturel/religieux contemporain. On en trouvera un exposé profond dans les écrits de R. Panikkar (6).

Elle consiste ici à faire une relativisation radicale des droits de l'Homme, en posant la question: la notion de droits de l'Homme est-elle un invariant universel? Est-elle une notion valable à l'échelle du globe? Le concept des droits de l'Homme est-il un concept universel qui transcende la pluralité des cultures. Peut-il devenir un symbole universel? A suppose qu'il le devienne, ne serait-il qu'une fenêtre sur le monde? Doit-il constituer le point de référence universel pour toute problématique concernant la dignité humaine? Y a-t-il d'autres fenêtres sur le monde qui sont aussi valables que celle des droits? Quelles sont-elles?

Une autre façon de l'exprimer serait de dire que non seulement les peuples donnent différentes réponses à nos questions, mais qu'ils ont souvent d'autres questions qui peuvent être aussi valides et importantes que les n™️tres et que c'est une erreur méthodologique et une forme d'impérialisme que de croire que tous posent (et doivent) poser les mêmes questions que nous.

Panikkar résume bien concrètement la nature de la relativisation radicale dont il est question ici. "Tenir pour établi que sans une reconnaissance explicite des Droits de l'Homme, la vie serait chaotique et dénuée de sens, relève de la même mentalité que de maintenir que, sans la croyance en un Dieu unique telle qu'elle est comprise dans la tradition abrahamique, la vie humaine se dissoudrait en une totale anarchie. Il suffirait de pousser un peu plus avant dans cette direction pour conclure que les athées, les bouddhistes et les animistes, par exemple, doivent être considérés comme les représentants d'aberrations humaines. Dans la même veine: ou les Droits de l'Homme, ou le chaos. Cette attitude n'appartient pas exclusivement à la culture occidentale. Qualifier les étrangers de barbares est une attitude qui n'est que trop commune parmi les peuples du monde...Il y a dans toute affirmation de vérité une prétention légitime et intrinsèque à l'universalité. Le problème, c'est que nous avons tendance à identifier les limites de notre propre vision avec l'horizon humain lui-même."

Ou encore: "Il y a certainement une nature humaine universelle.... mais l'interprétation de cette "nature humaine universelle", c'est-à-dire l'autocompréhension de l'Homme, appartient également à cette nature humaine. Donc, en choisir une interprétation particulière peut avoir quelque validité, mais est dénué d'universalité et peut ne pas s'appliquer à la totalité de la nature humaine." Cette deuxième approche ne nie donc pas que les droits de l'homme aient une dimension transculturelle, mais elle n'en fait pas un concept universel qui transcenderait la pluralité des cultures. Elle ne nie pas qu'il puisse même exister des invariants et symboles transculturels, mais elle nie que les droits de l'Homme doivent constituer le point de référence universel pour toute problématique concernant la dignité humaine. Les droits, dit-elle, ne sont qu'une fenêtre sur le monde de la dignité humaine.

Ce que je voudrais faire ici, c'est, à partir de mon expérience vécue des autres peuples, 1) constater que les droits de l'Homme ne sont qu'une fenêtre sur le monde, et qu'il y en a d'autres aussi valables; 2) décrire un peu commen 2/3 de la population mondiale n'organise pas sa vie sur les droits de l'Homme mais sur autre chose que j'essaierai de décrire brièvement à partir de la fenêtre hindoue et bouddhiste 3) tirer quelques conséquences concrètes par rapport à notre action de "justice sociale" dans ces pays et par rapport au défi du prochain millénaire: la révolution du pluralisme culturel/religieux.

La notion de droit n'est pas un absolu

Deux-tiers de la population mondiale n'a pas la notion de droit. Le mot n'existe même pas dans leurs langues. Il leur est inconcevable, au fond, qu'un être humain puisse avoir des droits. L'Homme n'est pas un être de droits mais un être de "devoirs".

Ces peuples ne conçoivent pas la dignité humaine et n'organisent pas l'ordre social sur la base de droits mais sur celle de responsabilité et de gratitude infinie à l'égard des parents, de la famille étendue, de la tribu, du clan, des ancêtres, du soleil, des rivières, des animaux, des plantes et de la mère la terre.

Ainsi, les peuples autochtones parlent plut™️t des "dispositions du Grand Esprit", inscrites dans la nature de chaque être, et de la fidélité à ces dispositions. L'Asie, elle, parle partout du "dharma", que l'on traduit souvent par "devoirs", mais qui n'a rien de l'obligation imposée de l'extérieur, et qui ne requiert pas de déclaration ni de coercition comme la loi humaine, parce qu'il s'agit, en fait, de l'ordre naturel des choses. Ton action n'est pas juste ou injuste, mais dharmique ou a-dharmique. Dans l'Hindouisme, ce Dharma est toujours aussi sva-dharma, c'est-à-dire, le dharma propre à la situation humaine (étape de la vie, sexe, communauté (jati), famille ancestrale). On y parlera, auss, des trois dettes (rina) de gratitude: aux sages (rishi-rina), aux ancêtres (pitry-rina) aux divinités et forces de la nature (diva-rina) (7)

Les présupposés du droit et du dharma

Droit et dharma présupposent des philosophies de vie qui sont, en fait, radicalement différentes et irréductibles les unes aux autres. Limitons-nous ici à en donner quelques indications (Cool.

Il y a toute une anthropologie et une cosmologie (c'est-à-dire un je par rapport à un tu), un être rationnel (c'est-à-dire qu'on définit d'abord par l'intelligence et la raison), autonome (qui est l'artisan de sa destinée, par ses choix, ses décisions, ses projets); ensuite qu l'Homme est au centre de la Réalité avec le droit et le devoir de la changer, de la transformer, de la développer', car elle est imparfaite, en puissance, et doit être conduite par l'Homme à son achèvement, à sa perfection; les êtres sont des êtres de besoin qu'il faut assouvir. L'accent ici est sur l'individualité et sur le principe de non-contradiction ( je suis ceci, et pas celà).

Toute autre est l'anthropologie et la cosmologie asiatique. L'Asiatique se voit d'abord comme un être relationnel, comme un réseau familial, communautaire, et, en dernière analyse, dans l'Hindouisme, comme Atman (le Soi total et impersonnel qu'est la Réalité, le Tout impersonnel qu'est Brahman, à savoir, la Réalité), dans le Bouddhisme, comme le Non-Je et le Non-Soi (anatta).

L'enfant asiatique est habitué très jeune à ne jamais dire "je". Il est défini et se définit toujours par rapport à la famille (petit frère, grande soeur, oncle paternel, tante maternelle, grand-père, etc), mais aussi par rapport au cosmos et aux astres (chacun a un nom sacré, donné par l'astrologue, ou plut™️t par les "dispositions célestes" qu'il lit et exprime). On ne 'choisit' pas ses parents, sa lignée ancestrale, son nom, sa place au soleil, car la Vie nous la donne gratuitement.

De même, l'Homme n'est pas au centre de la Réalité avec une position privilégiée. Il est un parmi plusieurs "êtres". Unique certes, mais ayant sa place et devant composer avec tous les êtres vivants. Son r™️le est d'abord, non de transformer le monde et d'intervenir, mais de le garder ensemble et de le soutenir en s'harmonisant à lui et un jouant le r™️le que la Vie lui assigne. La Réalité est moins un vide à remplir qu'une plénitude (purnam) à découvrir et à "réaliser" (Hindouisme) ou un vide (sunyata) à être (Bouddhisme).

Il n'est pas un être de besoins et de désirs à assouvir, mais un être qui doit se libérer de ses besoins, éteindre ses désirs (9) et trouver la sérénité de l'être sans désir. L'accent ici est sur la totalité et sur le principe d'identité: (je) suis tout celà: "aham Brahman" (Hindouisme) ou encore sur la relativité radicale de toute chose "Pratîtyasamutpâda" (Bouddhisme). Je ne me définis pas alors en me distinguant et en affirmant mes droits, mais en m'identifiant au Tout et au non - Je (que (je) suis), en prenant mes responsabilités à l'égard de la famille, de la communauté et du tout ou du Vide que (je) suis. Je trouve ma dignité dans le "dharma" ou "dharma" du non-je.

Objection: "mais la notion des droits existe dans ces pays"

Certes, depuis l'implantation récente de l'Etat-Nation moderne dans ces pays, on rencontre des gens qui parlent de plus en plus de droits de l'Homme. Il y a la Déclaration des droits autochtones, par les autochtones, aux Nations-Unies, celle des Droits de l'Homme et des Peuples à Banjul en Afrique et des divers codes légaux des Etats africains. Les pays islamiques ont leur déclaration des droits de l'homme (à Paris). La plupart des Etats modernes de l'Asie souscrivent, au moins tacitement à la Déclaration Universelle des Droits de l'homme et à certaines chartes et pactes internationaux.

Mais il ne faut pas se laisser leurrer par ces déclarations officielles. Elles sont souvent des concessions plus ou moins volontaires aux Etats occidentaux pour jouir de leurs bonnes grâces ou pour avoir un certain "standing" à leurs yeux, quand ce n'est plus que la seule voie que certains peuples sont obligés de prendre pour recevoir une certaine reconnaissance de la part de l'Occident. Je ne nie pas qu'il existe même parfois, un saine assimilation (et pas seulement une copie) de leur part, de certaines valeurs de l'Occident v.q. celle des droits. (10)

Il reste, cependant, que non seulement ces pays assimilent ces valeurs selon leur propre matrice culturelle (v.q. aucune législation étatique en Islam ne saurait remplacer ou avoir priorité sur la Sharia - selon le Coran, Allah seul a des droits; les hommes n'ont que des responsabilités - mais les peuples de ces pays passent souvent outre à ces super-structures étatiques et à leurs valeurs importées, pour vivre d'abord selon leurs propres traditions (v.q. dharmiques).

Certes, se pose la question: devraient-ils remplacer leur système dharmique par le système juridique et universel des droits de l'Homme ? Certains le pensent et s'acharnent à civiliser, à développer et à moderniser ces peuples dans ce sens, selon ce qu'ils considèrent leurs valeurs plus évoluées et universelles de personne, d'autonomie, de démocratie, de droits de l'homme et de la femme, etc.

Mais ils rencontrent, au niveau du peuple surtout, une énorme résistance, qui n'est pas toujours basée sur l'ignorance, le sous-développement et un manque de conscientisation, comme on aimerait le croire, mais sur un système de valeurs millénaires très différent. L'Occident commence à peine à découvrir ce système comme étant aussi valable et contemporain que le système politique et juridique occidental, comme ayant le "droit" de vivre et de croître selon ses propres critères et mythes positifs, et selon un dynamisme qui lui est propre et qui ne défend pas nécessairement de son ouverture à la modernité.

Droits de l'Homme, nouveau cheval de Troie de l'impérialisme occidental?

"Il y a, dans toute affirmation de vérité, une prétension légitime et intrinsèque à l'universalité", disions-nous plus haut. Transformer le monde, intervenir, est une responsabilité, et donc une sainte mission pour l'Occidental. On ne peut lui en valoir de suivre sa nature, son "dharma": civiliser, évangeliser, développer, se faire l'avocat des droits de l'Homme et de leur application à travers le monde, en un mot d'être un artisan de Paix.

Mais le problème est qu'il a tendance a "identifier les limites de sa propre vision avec l'horizon humain lui-même". Il se sent menacé par tout ordre social ou système de valeurs autres que le sien. Il ne voit plus alors dans les autres que des primitifs à civiliser, des paiens à évangéliser, des sous-développés à développer, des opprimés à libérer. Sa culture, au lieu d'être une maison, devient une prison où il enchaine tout le monde au nom de la justice et de "sa liberté".

Par exemple: l'Occident a une conception moderne de la femme et de ses droits. Toute autre conception ne peut donc être, lui semble t'il, que "patriarchale", "autoritaire", "injuste", "féodale", "obscurantiste", "rétro", il lui faut donc "organiser" ces gens pour qu'ils soient "libres" (selon "la" conception universelles (qui est la sienne évidemment), à savoir être maîtres de leur destinée). les "autres" ne lui apparaissent alors que comme des vides à remplir, de la cire pour sa flamme de droits et de justice. La question ne lui vient que rarement à l'esprit: "et si la Réalité dépassait largement non seulement l'interprétation que l'Occident en donne mais l'expérience que l'Homme lui-même tout entier en a et peut en avoir"?

Ou se pourrait-il que l'Occident se sente menacé dans son "pouvoir" par la réalité différente de l'autre? Je crois, qu'au fond, il n'accepte pas encore d'être mis par l'autre face-à-face aux limites de l'Occident, de ses valeurs, de sa raison critique, de sa cosmologie, anthropologie et philosophie de vie. Il n'accepte pas encore la relativisation radicale que constitue le désarmement culturel/religieux.

C'est peut-être la raison pour laquelle il absolutise ses valeurs par ailleurs géniales de: Dieu, Homme, Personne, Autonomie, Démocratie, Droits. il ne veut la paix blanche, occidentale, moderne, "humanica"; la paix basée uniquement ou prioritairement sur sa conception de la 'bonne vie', de la nature humaine universelle, à savoir la Justice et les Droits de l'Homme, l'Homo rationalis. Il n'est pas encore capable d'accepter (ou même parfois de chercher à savoir) comment il se fait que deux-tiers de la population mondiale conçoive la paix et la 'bonne vie' d'abord et en priorité sur des bases radicalement différentes, à savoir par exemple le Brahman et le Non-Soi, le Dharma, l'Homme relationnel. En fait, l'Occident prend la partie pour le Tout, la justice pour la Paix, et sa paix pour "la" Paix.

Le défi du pluralisme culturel/religieux

Chacun des deux mondes (l'occidental et l'asiatique) possède sens et cohérence en fonction et à l'intérieur d'un mythe reçu et accepté. "Chacun des deux implique un certain genre de consensus", dit Panikkar. "Quand ce consensus est contesté, il faut trouver un nouveau mythe. Le mythe brisé, c'est la situation de l'Inde aujourd'hui, comme c'est celle du monde dans son ensemble"

La situation du monde aujourd'hui est nouvelle. Nous sommes devant la révolution du pluralisme culturel/religieux. Celà exige une mutation (metanoia) de nos attitudes. Cette dernière consiste à penser, à organiser et à vivre la dignité, l'ordre et la paix, à la lumière des savoir-faire et savoir-être de toutes les cultures/religions, partant du présupposé qu'il n'est pas de culture, de tradition, d'idéologie ou de religion, qui puisse en fournir le modèle ou la définition pleine et adéquate. Aucune ne saurait, non seulement résoudre les problèmes de l'humanité, mais même parler pour l'ensemble de celle-ci. Il faut nécessairement qu'intervienne le dialogue entre elles, menant à une fécondation mutuelle.

Or, dans le domaine qui nous préoccupe ici, cela veut dire un dialogue, par exemple, entre Droit et Dharma, entre le Je et le non-Je (de l'Atman ou de Non-Soi) entre droits et devoirs, entre l'Homme rationnel et l'Homme relationnel, entre le mythe de transformer le monde et le mythe de le maintenir et de s'y harmnoniser, entre être artisan de sa destinée et accepter la condition, la place (ou le lot) que le Rhthme de la Nature nous assigne dans l'ensemble de l'univers. Cela veut aussi dire un apprentissage mutuel et une fécondation mutuelle.

"Les Droits de l'Homme, sous leur forme actuelle, ne représentent pas un symbole universel assez puissant pour susciter la compréhension et l'accord de tous les peuples" dit Panikkar. Le Dharma, non plus, d'ailleurs. Les Occidentaux devront comprendre que "les Droits de l'Homme ne sont pas seulement des droits. Ils sont aussi des devoirs, et les deux aspects sont interdépendants. Le genre humain n'a le "droit" de survivre que dans la mesure où il s'acquitte du devoir de maintenir le monde (lokasamgraha) devoir de nous laisser manger par un agent occupant une place plus elevée dans la hiérarchie. Notre droit n'est pas autre chose qu'une participation à l'ensemble de la fonction métabolique de l'univers. S'il nous faut une déclaration, ce devrait être une Déclaration des droits et des devoirs universels embrassant le tout de la réalité."

De même, il ne saurait y avoir de Dharma, comme symbole universel, sans respect des droits de la personne et des communautés. "Que les droits des individus ne dépendent que de leur place au sein du réseau de la réalité, c'est ce qui ne peut plus être admis par la mentalité contemporaine." Pas plus qu'il ne semble admissible que les droits des individus soient si absolus qu'ils ne dépendent à aucun degré de son âge, des devoirs qu'il a à l'égard des parents, de la lignée ancestrale, de la communauté et du cosmos, et de la situation particulière que la Nature assigne à l'Homme et à chaque personne.

On peut choisir certaines choses dans la vie, mais on ne peut tout choisir, v.q. ses parents, son groupe ethnoculturel. On ne saurait définir automatiquement toute acceptation de son lot comme du fatalisme, ni toute relation de soumission à l'égard des parents même en âge avancé, comme patriarchale. Pas plus qu'on ne saurait définir la personne uniquement comme un être qui choisit, se choisit et se crée.

Peut-être que les Droits de l'Homme et le Dharma pourront alors représenter des symboles universels assez puissants pour susciter la compréhension et l'accord de l'Orient et de l'Occident. On pourra alors s'accorder pour parler d'un véritable "pluralisme juridique" d'une part et d'un véritable "dharma pluraliste" d'autre part. Mais en se souvenant que chaque symbole ne restera toujours qu'une fenêtre sur le monde et qu'on ne saurait ignorer ou faire fi des autres symboles et référents.

On a beau essayer de s'asseoir sur le pluralisme culturel/religieux et sur le pluralisme de la Réalité, il nous brûlera toujours le derrière, comme tous les peuples, - même ensemble, - sont en train de le constater de plus en plus.

Notes et références

(1) On en trouvera un bon exemple dans R.J. Vincent, Human Rights and International Relations, Cambridge, Great Britain 1988, University Press, 180 pp. Surtout le ch. 3 de la première partie intitulé: Human Rights and Cultural Relativism, où il critique le relativisme culturel et essaie de réconcilier le fait des valeurs plurales en politique mondiale avec l'universalisme implicite dans l'idée même des droits humains."

(2) Cela comprend toute une gamme qui va de la comparaison entre systèmes juridiques occidentaux dans les divers pays du monde, à l'ethnologie juridique où l'on fait l'archéologie et la sociologie des différents systèmes culturels, jusqu'à l'anthropologie juridique. Le référent reste toujours, de façon plus ou moins superficielle ou profonde, "le droit", le "juridique". Par exemple, pour l'ethnologie: R. Lingat, The Classical Law of India, 1973, University of California Press 305 pp.

(3) Plusieurs reconnaissent l'existence de systèmes moraux différents, mais qu'ils considèrent à priori comme inférieurs, primitifs, sous-développés v.q. Adda B. Bozemon, The Future of Law in a Multicultural World. Princeton, 1971, University Press, 229 pp. D'autres, c'est l'exception, reconnaissent qu'il existe des systèmes qui sont aussi valables, importants et pertinents que le système occidental, v.q. le groupe du Laboratoire d'Anthropologie Juridique de la Sorbonne, Paris: M. Alliot, Etienne Le Roy, Norbert Rouland. (Voir par exemple le récent livre de ce dernier Anthropologie Juridique, Paris, 1988, PUF, 496 pp).

(4) Je ne parle pas ici du manque de fidelité à ces valeurs les plus élevées, mais de leur absolutisation v.q. au moyen de la théorie de l'évolution.

(5) Il est important de ne pas confondre cette approche de relativisation (ou relativité) radicale avec celle du relativisme culturel. La notion de relativité radicale est la vie media nécessaire entre le relativisme agnostique et l'absolutisme dogmatique. Elle se distingue du "relativisme culturel", cette théorie de l'égalité ou équivalence des cultures et de l'absolutisation des cultures, traditions et coutumes. Mais elle se distingue aussi de la simple relativisation contextuelle et s'oppose même catégoriquement à l'idée que les droits, (comme la science et la raison critique d'ailleurs) sont des valeurs universelles, a-culturelles et absolues, au-dessus de la pluralité des cultures.

(6) Voir surtout R. Panikkar "La notion des droits de l'homme est-elle un concept occidental?" dans Diogène (UNESCO), no. 120, 1982, pp 87-115. Publié avec débat dans INTERCULTURE, janvier-mars 1984, Cahiers 82-83, pp. 2-78. Ce texte traite spécifiquement de notre sujet: Droit et Dharma. Nous y avons largement puisé dans cet article.

Sur la nature de cette approche, voir R. Vachon, "L'Etude du pluralisme juridique: une approche diatopique et dialogale," Communication au XIe Congrès International des Sciences Ethnologiques et Anthropologiques, Québec, Août 1983, dans Journal of Legal Pluralism (à paraître en 1990).

(7) Sur les notions de rina et dharma, voir K. Das et R. Vachon, L'Hindouisme, Montréal 1987. Guérin, 80 pp.

( 8 ) Je me base ici sur une notion plus anthropologique que géographique, de culture, mais à partir des éléments prédominants de chaque culture, sans nier qu'on puisse aussi trouver des éléments de l'une dans l'autre. L'accent ici est sur la distinction et l'irréductibilité des philosophies de vie mais dans la non-dualité, sans monisme, ni dualisme.

(9) Voir Puligandla et Puhakka "Buddhism et Revolution" dans Philosophy East and West. Vol. XX (Oct. 1970, no. 4)

(10) Un exemple: le discours récent du Dalai Lama à l'InterAmerican Court of Human Rights and Human Responsibilities.
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